Netta Nissim

Femmes juives et musulmanes dans un environnement urbain

October 2, 2019

En centre-villes, les femmes musulmanes sont moins sujettes au stress et réagissent mieux que les femmes juives, qui ont besoin d’espaces verts pour être détendues. Un mécanisme physiologique leur permettrait de mieux s'adapter à la pollution et au bruit, selon une étude scientifique israélienne

Pour définir le niveau de stress et de confort général, les chercheurs ont mesuré notamment le rythme cardiaque, témoin des réactions émotionnelles de ces femmes, selon le lieu où elles se trouvaient : centre-ville, périphérie ou espaces verts.

Il est unanimement reconnu que vivre dans un environnement proche de la nature, sans pollution et niveau sonore excessif, est apaisant et a une influence positive sur la santé des individus. Au niveau de l’équilibre physique, le doute n’est pas permis. Moins de pollution et de bruit contribuent à un meilleur état général. Selon différentes études, même une promenade rapide dans un espace vert situé en centre-ville permet d’améliorer le bien-être physique de chacun.

Inégalité devant le stress

Mais en terme d’impact sur le stress et de bien-être émotionnel, les résultats peuvent surprendre. Ces dernières années des études se sont penchées sur les comportements des individus vivant en milieu urbain ou rural et les conséquences sur leur santé physique et leur état général.

Les chercheurs se sont notamment demandés si tous les groupes ethniques réagissent de la même manière en fonction du lieu où ils évoluent. A savoir les effets d’un environnement pastoral est-il favorable pour tous ? Est-ce que vivre dans les villes est réellement néfaste pour la santé physique et mental? Les réponses varient selon l’ethnicité des groupes.

Aux Etats-Unis, des travaux ont comparé les réactions des communautés (noires-afro-américains, hispaniques, blancs ) dans des environnements divers . On constate qu`en milieu urbain les hispaniques et les afro-américains sont plus vulnérables aux risques sanitaires et plus sensibles aux émotions et au stress que les blancs.

Les chercheurs n’expliquent pas de manière scientifique ces différences de comportements mais ils émettent des hypothèses devant être vérifiées dans des prochaines études et qui reposent sur les habitudes de vie de ces groupes ethniques, leurs codes vestimentaires, leur régime alimentaire et également leurs différences génétiques.

En Israël, une étude multi-disciplinaire s’est aussi penchée sur la question. L’expérience consistait à comparer le niveau de stress et de bien-être général des femmes juives et musulmanes en observant leur rythme cardiaque face à des variables environnementales comme la pollution de l’air, le bruit, le stress, la régulation de la température du corps lors d’épisodes de fortes chaleurs. L’étude voulait également évaluer la capacité d’adaptation de ces individus à un changement de lieu.

Photo by Ifrah Akhter on Unsplash

Observation du rythme cardiaque

Les résultats montrent des disparités entre les deux groupes de femmes.  L’enquête présentée lors de la conférence annuelle pour les sciences et l’environnement en Israël a été menée par des chercheurs appartenant à divers horizons académiques israéliens, le professeur Yitzhak Schnell du département Geographie et Sociologie de l’Université de Tel Aviv, Diana Saadia doctorante, le professeur Emanuel Tirosh de la faculté de médecine Rappaport du Technion, et le Dr. Agai-Shai épidémiologiste à la faculté de médecine Azrieli à l’université Bar-Ilan.

Ils ont sélectionné un groupe de 72 jeunes femmes, 48 de confession musulmane et 24 de confession juive entre 20 et 35 ans, non fumeuses, sans antécédent médical, habitant soit à Nazareth soit à Afula, deux villes distantes de 12 kilomètres (nord d’Israël) aux conditions météorologiques et sociologiques sensiblement équivalentes.

Sur une période de 6 mois, 12 expériences de deux heures et demi chacune ont été menées.  Chaque fois 6 femmes de chaque groupe devaient se promener dans leur propre ville et se rendre dans 3 endroits différents où elles y restaient une trentaine de minutes :  le centre-ville commerçant avec un intense trafic automobile, un quartier résidentiel avec quelques boutiques, et des espaces verts. Chaque femme était équipée d’un appareil au poignet pour mesurer son rythme cardiaque et parallèlement les scientifiques enregistraient le niveau de pollution atmosphérique, de décibels du lieu et les interrogeaient par la suite sur leur sensation de bien-être physique et de confort général ressenti dans chaque endroit.

“Pendant les expériences nous avons examiné les effets des différents environnements sur leur rythme cardiaque qui traduit les changements intervenant au niveau du système nerveux autonome (végétatif) », explique le professeur Isaac Schnell.

“La variabilité de la fréquence cardiaque offre un excellent indicateur de la capacité à réguler les émotions car il est géré par notre système végétatif, non soumis au contrôle volontaire”, poursuit-il.

A chacune sa réaction physiologique

En fonction du lieu où elles se trouvaient les femmes juives et musulmanes réagissaient différemment.  « L’expérience montre que les femmes juives dans les environnements bruyants et pollués ont manifesté des signes de stress avec une accélération de leur rythme cardiaque, alors que dans les espaces verts ou calmes, la cadence se ralentissait. Pour les femmes musulmanes les résultats sont inverses.  Elles sont en situation de stress avec une élévation de leur rythme cardiaque en évoluant dans les espaces verts ou peu fréquentées mais sont plus détendues dans des lieux animés comme les centres urbains », résume le professeur Schnell.

“Difficile d’expliquer pourquoi mais nous supposons que les femmes musulmanes se sentent plus en sécurité quand elles sont en centre-villes et ne sont pas trop gênées par la qualité de l’air et le bruit alors que les femmes juives sont plus sensibles aux inconvénients dus à la pollution, au niveau sonore et à la chaleur et sont moins à l’aise  dans les zones commerçantes et urbaines»,  ajoute le professeur.

il apparaît que de manière générale  les femmes musulmanes sont moins sous pression que les femmes juives, sauf quand elles se trouvent dans leur environnement familial. Pour les chercheurs cela s’explique par les contraintes auxquelles sont confrontées ces femmes, souvent mères de famille nombreuses, et vivant dans une société patriarcale avec beaucoup d’interdits.

« L’étude montre aussi que les femmes musulmanes s’adaptent mieux aux changements de lieux que les femmes juives si l’on examine les réactions de leur systèmes nerveux sympathique et parasympathique », poursuit le professeur Schnell.

Au sein du système nerveux autonome co-existent le système parasympathique qui ralentit les fonctions de l’organisme, abaisse le rythme cardiaque et le sympathique qui intervient lors de stress, (choc psychologique, blessure…) et accélère entre autres les battements du coeur.

L’étude de ces deux systèmes, alternativement stimulés ou inhibés tout au long de la journée en fonction de nos activités, soulignent des différences physiologiques entre ces deux groupes de femmes.

Les femmes musulmanes semblent disposer d’un système nerveux autonome très actif qui leur permet de s’adapter aux changements d’environnement et de s’adapter plus facilement aux milieux urbains alors que chez les femmes juives ce mécanisme est moins développé.

Cela tient-il à des différences culturelles, génétiques, … de nombreuses questions restent en suspens. Les chercheurs soulignent qu’il s’agit de la première étude dans ce domaine, qu’elle devait être maniée avec précaution, d’autant que de très nombreuses interrogations demeurent sur le rôle des médiateurs chimiques notamment.

“Il faut et nous allons continuer nos travaux et expériences pour mieux comprendre les mécanismes de réactions au stress et pouvoir ensuite utiliser les données pour améliorer le bien-être de chacun”, résume Ytzhak Schnell.

Un vaste chantier qui s’inscrit dans les thèmes de recherches très en vogue actuellement sur les neurosciences.

Cet article a été écrit par * ZAVIT – Agence de presse israélienne pour la science et l’environnement


       







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